1/ La cheville de Joëlle

CAP ou pas CAP ?

#1 La cheville de Joëlle

Cette rubrique reprend quelques cas cliniques réels concernant les pathologies de la course à pied.

Contrairement à certaines idées reçues, nous verrons que la course à pied (CAP) n'est pas contre-indiquée lors de pathologies

Joëlle. 47 ans, est coureuse régulière depuis plusieurs années. 2 x 8 km/ semaine exclusivement sur route.


Elle a déjà fait de multiples entorses de la cheville droite depuis l'adolescence, la plupart non traitées. La dernière date de janvier 2022.

Elle a fait de la kinésithérapie avec renforcement musculaire et se sent mieux. Elle a repris la course à pied (CAP) depuis 2 mois sans souci.


Par acquis de conscience elle consulte. On lui prescrit une radiographie, une IRM et un arthroscanner dont voici deux images.     


Diagnostic : Lésions du cartilage du dôme du talus de grade IV au niveau médial (flèches bleues sur les images) ainsi qu'une  géode sous-chondrale. On lui préconise l'arrêt définitif de la course à pied, une chirurgie de réfection du ligament latéral  externe (LLE), des perforations du cartilage du dôme de type Pridie et ensuite une ostéotomie de réalignement du segment  jambier droit pour limiter les pressions au niveau médial du talus.


Elle consulte pour deuxième avis. L'anamnèse révèle que la patiente court 2 x 8 km par semaine sans douleur. Elle ne présente pas de gonflement articulaire à distance de la course ni de raideur articulaire au démarrage. Elle ressent parfois une sensation d'instabilité de cheville sur terrain irrégulier.


L'examen clinique ne révèle pas de gonflement articulaire ni de perte de flexion dorsale. L' Y balance test et le Weight bearing lunge test (wall test) sont identiques au niveau des deux chevilles. Il existe une Instabilité en appuis monopodal droit les yeux fermés.


Alors, CAP ou pas CAP ?


CAP, bien sûr !


La clinique parle pour la patiente. Même si elle a eu plusieurs entorses de cheville dont certaines négligées, sur le plan fonctionnel tout semble se passer plutôt correctement.L'anamnèse montre que son articulation se porte plutôt bien (pas de douleur, pas de gonflement après l'effort et pas de raideur au démarrage). Les lésions découvertes à l'arthroscanner et IRM sont fort probablement présentes depuis bien longtemps.


Melissa Galli & Al. (2014) (1) ont analysé par IRM 108 chevilles asymptomatiques. Les auteurs ont trouvé des lésions chondrales du talus dans près de 15% des cas dont les 4/5 au niveau médial. En outre il y a une faible corrélation positive entre les lésions chondrales médiales et les lésions du ligament deltoïde et une corrélation modérée entre les lésions latérales du talus et les lésions du ligament talo-fibulaire postérieur.


Que proposer à Joëlle ?


Continuer à courir régulièrement et poursuivre par elle-même le renforcement et le travail sensori-moteur débuté avec le kinésithérapeute.


Moralité :


L'anamnèse et l'examen clinique sont prépondérants.

Beaucoup d'imageries "pathologiques" sont observées chez des sujets asymptomatiques.

L'imagerie n'est utile que si elle permet d'éclairer le diagnostic ou adapter le traitement.

Et enfin, on ne soigne pas des images, mais des patients.


Cette leçon vaut bien un jogging, sans doute ! (2)



Sources



(1) Galli MM, Protzman NM, Mandelker EM, Malhotra AD, Schwartz E, Brigido SA. Examining the relation of osteochondral lesions of the talus to ligamentous and lateral ankle tendinous pathologic features: a comprehensive MRI review in an asymptomatic lateral ankle population. J Foot Ankle Surg. 2014 Jul-Aug;53(4):429-33. doi: 10.1053/j.jfas.2014.03.014. Epub 2014 May 3. PMID: 24796886.


(2) Partiellement emprunté à Mr Jean de la Fontaine.



AVERTISSEMENT : Le cas clinique présenté est totalement réel, seul le nom du coureur est un nom d'emprunt.Son âge, son histoire, l'anamnèse, l'examen clinique et l'imagerie médicale sont réels.


Copyright Dr Hervé Auquier 2024